long métrage fiction
en écriture
- genre : l'art de la joie
- image : couleur
- tags : langage, émancipation, fable politique, justice, amour, humour, psychiatrie, tragédie, violence, gai-savoir, dystopie, néolibéralisme.
- crédit photos : Anders Petersen, Cha Gonzalez, Gilles Trinques
« Le risque est un combat dont nous ne connaissons pas l’adversaire, un désir dont nous n’avons pas connaissance, un amour dont nous ne savons pas le visage […] Il est au-delà du choix, un engagement physique du côté de l’inconnu, de la nuit, du non-savoir, un pari face à ce qui, précisément, ne peut se trancher. Il ouvre alors la possibilité que survienne l’inespéré. »
Anne Dufourmantelle – Eloge du risque
- 2029. Une jeune femme encore sous écrou, hantée par sa colère intérieure, fuit le monde, vers un ailleurs, au loin, sur les routes, les chemins de traverse, la nature, la forêt.
- Elle voit mais ne sait pas dire. Elle aimerait trouver les mots pour dire mais ne peut pas.
- La jeune femme suit obstinément ses intuitions, s’évade, cherche sa place, tente de s’abandonner à la vie, de maintenir intacte l’étincelle de son désir, lucide, joyeuse, sans vraiment savoir où elle mène. Hypersensible, prête à déborder de sentiments, elle trouve dans sa quête d’humanité un souffle vital, une parole qui la révèle à elle-même.
intentions
J’ai dû pour me construire, interroger la violence de mon père et les effets sur moi du traumatisme de la guerre coloniale qu’il a vécue. Un héritage qui me constitue en partie et fut pour moi une interrogation permanente, notamment sur notre difficulté partagée de dire, de prendre la parole, de se sentir accepté.
Beaucoup plus tard, j’ai travaillé avec des jeunes dans le cadre d’ateliers filmés de lutte contre la récidive au pôle judiciaire de Pontoise. Et j’ai rencontré un jeune garçon, Daniel encore sous écrou, qui m’a bouleversé. Au-delà de son histoire, la manière qu’il avait de parler, sa difficulté de dire, sa langue, les stigmates de la rage qu’il retournait contre lui-même, la violence intérieure qui était la sienne, m’ont ramené à ma propre histoire.
C’est ce trouble, ce non-dit, ce sentiment de mise à l’écart, l’impossibilité de mettre en mot sa colère, sa honte, le lien entre la violence intime et la violence du monde qui m’intéresse. Voir ce que cette altérité peut générer. Non pas comme un repli sur soi, mais exactement l’inverse. Pour élaborer autre chose, prendre le risque de se perdre, se délester de ses propres repères, risquer sa vérité avec ou contre l’autre, généreusement.
Ce que l’on a d’humain se trouve je crois dans ce voyage, dans ce vide impossible à combler entre soi et le monde, dans notre propension à vouloir faire du monde notre univers, à penser le monde à partir de notre propre identité et non l’inverse.
Plusieurs images, motifs, nourrissent ma recherche du film.
D’une part, un monde dystopique, en déroute, à venir, déjà là, totalitaire, fondé sur l’incertitude et l’angoisse inscrites à même nos subjectivités. Et pour incarner cette recherche, l’espace du dire, Alice, une jeune femme insaisissable, têtue, qui s’enfuit, s’évade, s’empare du monde, bascule vers l’inconnu, là où les choix se font d’instinct, sans échappatoire possible.
Comme chez Tchekhov, nous sommes dans le lieu d’une transition, dans l’autopsie d’une consolation, d’une réparation, afin que quelque chose se passe là où on ne l’attend pas.
Qu’est-ce que c’est qu’être humain, oser être humain, aujourd’hui ?
Comment trouver sa place, dire, dépasser ce sentiment d’impuissance du langage ?
C’est ce désir, cette étincelle, de l’élision au manifeste, cette prise de risque poétique, cette foi qui m’intéresse face à une vie qui bascule, une promesse d’autant plus belle qu’Alice doute, d’elle, de sa nécessité, du monde qui s'ouvre à elle.