court métrage fiction
en recherche de production
- genre : fable tragi-comique
- image : couleur
- tags : dire, lignes de failles, jeunesse, joie, émancipation, nouveaux récits, violence, écologie
- crédit photos : Anders Petersen, Cha Gonzalez
« Le risque est un combat dont nous ne connaissons pas l’adversaire, un désir dont nous n’avons pas connaissance, un amour dont nous ne savons pas le visage […]
Il est au-delà du choix, un engagement physique du côté de l’inconnu, de la nuit, du non-savoir, un pari face à ce qui, précisément, ne peut se trancher. Il ouvre alors la possibilité que survienne l’inespéré. »
Anne Dufourmantelle – Eloge du risque
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Une fin d’après-midi, une jeune fille vagabonde déniche à la sortie d’un sentier forestier, une vieille auberge perdue au cœur d’une forêt dévastée.
Elle découvre un lieu étrange où tout semble permis. Portée par une parole sans filtre, prête à déborder de sentiments, elle trouve dans cette cohue âpre et joyeuse, un chemin, un lien, un souffle vital.
intentions
J’ai dû pour me construire interroger la violence de mon père et les effets sur moi du traumatisme de la guerre coloniale qu’il a vécue, traversée, tant bien que mal. Un héritage qui me constitue en partie et fut pour moi une interrogation permanente, notamment sur notre difficulté partagée de dire, de prendre la parole, de se sentir acceptés.
Je cherche à représenter ce sentiment de mise à l’écart. Ce non-dit, l’impossibilité de communiquer, de mettre en mot sa colère, sa honte, sa faille. Voir ce que cette altérité peut générer. Non pas comme un repli sur soi, mais exactement l’inverse. Pour élaborer autre chose, se délester de ses propres repères, risquer sa vérité avec ou contre l’autre, généreusement.
L’histoire de la jeune fille qui, est une façon d’interroger l’impact de cette violence sur ma vie, d’aller au-delà, de la mettre en perspective à travers les mécanismes de violence à l’œuvre dans le scénario.
Deux images nourrissent ma recherche du film.
D’une part, une vieille auberge, un tripot au cœur de l’écocide d’une forêt dévastée, comme figure du chaos néolibéral. Un navire à la dérive. Un non-lieu où règne l’arbitraire, la mise en concurrence généralisée fondée sur l’incertitude et l’angoisse, inscrite à même nos subjectivités. Nous sommes dans une transition, au carrefour, dans l’autopsie d’un milieu d’observation. Comme chez Tchekhov, Dostoïevski. Le seul endroit où l'on peut encore paradoxalement, s’amarrer à la vie. Où chacun est à égalité face à l’adversité.
Et pour incarner le regard, Annabelle, une jeune fille en fugue, emportée par la déshérence affective, les humiliations, l’impératif de survie. Elle démarre sa jeune vie en guerre, avec sa vitalité, sa sincérité, sa part d’ombre et pour unique ressource, le recours aux actes violents contre elle-même pour se sentir exister. Insaisissable, à vif, intuitive, elle puise dans cette violence la capacité de mettre en forme pour la première fois, son regard et sa révolte.
Mon propos est de raconter cet élan qui surgit là où on ne l’attend plus, dans un huis clos où les choix se font d’instinct, sans échappatoire possible, dire comment la vie s’exprime, ce dans quoi elle s’engouffre, observer sa violence, comprendre d’où elle vient.
Tous ici sont déracinés, tous de passage, comme Annabelle. Ils se cherchent, se perdent, se querellent, s’embrassent, dansent, s’inventent des rôles hors normes. C’est plein de silences, de joies, de blessures, de coups que chacun a reçu, qui viennent se résoudre, comme une chambre d’écho.
Pourtant chacun se révèle vivant, imprévisible, ébranlable. Il s’agit d’approcher ce chaos émotionnel qui célèbre l'humain, qui encourage, conforte Annabelle. Voir les corps qui se cherchent, la fragilité qui se joue dans le regard de l’autre, ses attentes, ses doutes. Laisser croître cette dépendance à l’autre qui construit notre désir, notre intelligence commune. Au risque de l’imperfection.
Et découvrir Annabelle sur son chemin, têtue, en mouvement qui s’empare du monde.